L’Appel du 18 juin, l’Alliance Française de Londres et le 1 Dorset Square

Pour nous à l’Alliance Française de Londres, le 18 juin a une signification particulière du fait que dès le lendemain, la Secrétaire Générale de l’Alliance répondait à l’Appel avec plusieurs de ses collègues en offrant à de Gaulle ses services et ceux de l’organisation qu’elle représentait, comptant parmi les premiers à le faire.

Le 18 juin 1940 le Général de Gaulle prononçait un discours sur les ondes de la BBC, un discours devenu depuis historique, un jour marquant le début de la résistance à l’Occupation. Depuis, l’Appel du 18 juin, moment iconique de la coopération franco-britannique, unit nos mémoires nationales. Il était d’ailleurs contemporain d’un projet d’Union entre les deux pays, envisagé momentanément par le PM Winston Churchill et de Gaulle, soutenu par un certain nombre de Français de Londres dont l’Alliance Française.

Le Général de Gaulle accepta en signe de gratitude de devenir son Président d’honneur en 1941. Dans un discours en 1943 il se référa à ses dirigeants en ces termes : « de bons et clairvoyants Français ». 

L’Alliance concentra son programme culturel sur des conférences dans tout le Royaume-Uni en soutien de la France Libre et se présenta comme point de ralliement de tous les Alliés. Elle publia aussi une revue, intitulée « Bulletin de l’Alliance Française – Bulletin de Guerre », diffusée dans le pays et dans les Alliances Françaises du monde ralliées à de Gaulle.

L’Alliance, un des plus anciens membres de la FAFGB, fut en 1940 un des membres fondateurs et des plus actifs des AVF (Amis des Volontaires Français) et des FGB (Français de Grande-Bretagne).  Organiser des conférences, des réceptions entre Alliés, vendre des objets (tels papier à cigarettes et cartes à jouer) pour le compte de la France Libre, tricoter des chaussettes et des bonnets pour les engagés, et autres actions composaient son arsenal de soutien.

En 1943 sa Secrétaire Générale, Yvonne Salmon, publiait un des tout premiers livres sur de Gaulle. Une édition pédagogisée l’accompagnait, pour étude dans les écoles anglaises ! Il fut réédité en 2010, à l’initiative de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, auquel lui et moi ajoutâmes chacun une préface.

Au-delà du Royaume-Uni, l’Alliance devenait comme un phare émettant depuis Londres un signal d’espoir pour le réseau mondial d’associations culturelles après que l’Alliance de Paris ait été fermée par l’occupant. Après la guerre, Paris s’y référa ainsi :

« … une Alliance qui fut pendant 4 ans – je le répète mais on ne le dira jamais assez – l’Alliance mère, la belle Alliance de l’espoir profond des temps misère. »

En parallèle à cet engagement, le bâtiment que l’Alliance occupe aujourd’hui au 1 Dorset Square, NW1, devenait le QG de la section pro-gaulliste du Special Operations Executive (SOE), le service d’action secrète du gouvernement britannique.

La résistance qui avait commencé avec des actes individuels de défiance allait se développer avec la formation de réseaux d’opérations clandestines – des agents formés et des opérations organisées dans le même bâtiment où l’on vient aujourd’hui apprendre et pratiquer le français !

Aujourd’hui, pour s’empreindre de cet esprit de résistance, il faut soit travailler dans notre équipe, soit s’inscrire à un de nos cours de français ! On peut alors, en fermant les yeux, imaginer Jean Moulin ou Pierre Brossolette deviser avec Forrest Yeo-Thomas et ses collègues ; l’odeur des Gauloises fumées nerveusement par des agents en partance ou leurs collègues ayant monté leur mission ; les rideaux tirés sur les cartes de France mouchetées d’épingles, indiquant zones d’atterrissages, réseaux et autres repères secrets ;  ressentir la tension qui les habita tous pendant de longs mois mais aussi la force de l’amitié qui les unit, alors et toute leur vie durant.

Chaque 18 juin, nous ornons d’une couronne de red poppies la plaque commémorative apposée sur le mur du 1 Dorset Square afin de rendre hommage au courage visionnaire du Général de Gaulle, aux Français Libres et leurs amis britanniques, ceux qui reprirent ensuite une vie plus normale et ceux qui ne revinrent pas.

De même que chaque 18 juin, une cérémonie se tient en face du 4 Carlton Gardens, le QG de la France Libre et du Général de Gaulle. La statue grandeur nature en bronze de ce dernier par le sculpteur anglais Angela Conner a été dévoilée le 23 juin 1993. Parmi les membres du Statue Appeal Trust présidé par Lady Soames étaient plusieurs membres éminents de l’Alliance Française de Londres qui contribua à la levée de fonds.

Au printemps 1990, pour marquer le cinquantenaire de l’Appel, un auteur illustre (et conférencier de guerre) l’évoquait exclusivement pour les lecteurs du magazine de l’Alliance Française de Londres !

Autre conférencier de guerre de l’Alliance, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, grand ami de cette dernière et visiteur ému du 1 Dorset Square dans ses dernières années, – ému parce qu’il y était venu se préparer pour une mission secrète qui finalement n’eut pas lieu, soulignait que:

« Le fait est que, si le 18 juin 1940 est devenu « le 18 JUIN « , ce ne fut pas du jour au lendemain. Combien de Français, même parmi les résistants précoces, même parmi les plus fervents gaullistes de France, connaissaient, quatre ans plus tard, au jour de leur libération, la date et le texte de l’Appel? […] Le 18 juin 1940 fait désormais partie du patrimoine national. […] Il est, dans tous les manuels d’histoire, le repère de l’honneur, du courage et de l’espérance. Il est inscrit dans les mémoires françaises comme une des plus grandes dates d’un grand passé. »

Depuis 2006, le 18 juin est officiellement la « Journée nationale commémorative de l’appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi ».

Le jour du 80e anniversaire de l’Appel, nous avons marqué l’occasion ainsi que le moment où l’Alliance Française à Londres refusa de « devenir l’émissaire d’une culture française qui aurait cessé de s’épanouir dans la liberté », résolue à défendre des valeurs menacées.

Vive le 18 juin ! Vive l’entente amicale !

© C. Hug 2020

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